Comment bénéficier d'un départ anticipé à la retraite pour inaptitude au travail ?

L'inaptitude au travail est l'un des dispositifs de départ anticipé à la retraite. Tour d'horizon des conditions requises en 10 points-clés.

Depuis le 1er septembre 2023, les assurés reconnus inaptes au travail ont la possibilité de demander à partir à la retraite dès 62 ans. Rappelons que la réforme des retraites de 2023 a figé cette condition d'âge à 62 ans. Elle était auparavant calée sur l'âge légal de départ à la retraite, âge qui, depuis l'automne dernier, est une nouvelle fois reculé progressivement, pour atteindre 64 ans à partir de la génération 1968.

 

1/ Qui peut prétendre à un départ anticipé pour inaptitude professionnelle ?

Le dispositif vise, par principe, les assurés qui sont reconnus médicalement ou présumés inaptes au travail. De façon quasi-automatique, il est aussi accessible aux assurés justifiant d'un taux d'incapacité permanente d'au moins 50 %, aux titulaires d'une pension d'invalidité et aux bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH).

Les modalités de calcul et de service de la retraite sont communes à ces quatre catégories d'assurés.

 

2/ Comment est appréciée l'inaptitude ?

L'assuré reconnu inapte au travail est celui qui n'est pas ou plus en mesure de poursuivre l'exercice d'une activité professionnelle sans nuire à la santé. Par conséquent, l'inaptitude est définie par une absence de capacités et/ou de qualités physiques ou mentales requises pour exercer normalement une activité professionnelle. Elle induit généralement que l'état de santé rend impossible tout reclassement dans un emploi. En tous les cas, le taux d'incapacité qui en découle doit être d'au moins 50 %.

L'état d'inaptitude est apprécié en fonction de l'emploi occupé à la date de la demande de reconnaissance de l'inaptitude, ou à défaut par rapport au dernier emploi exercé au cours des 5 ans précédant la demande. Si l'intéressé n'a pas exercé d'activité professionnelle au cours de cette période, l'état d'inaptitude est apprécié compte tenu de ses aptitudes physiques ou mentales à exercer une activité professionnelle.

 

3/ Qui constate l'inaptitude ?

L'incapacité doit être constatée par un médecin.

Cependant, certaines catégories d'assurés sont réputées inaptes au travail à 62 ans, sans contrôle médical. Sont principalement visés ici les bénéficiaires d'une pension d'invalidité au moment du basculement automatique dans le régime d'assurance vieillesse, les bénéficiaires de l'AAH, les bénéficiaires de l'allocation supplémentaire d'invalidité (ASI), les titulaires d'une pension de réversion d'invalidité, les titulaires de la carte d'invalidité ou de la carte mobilité inclusion (CMI), les assurés justifiant d'un taux d'incapacité physique d'au moins 50 % sans être pour autant allocataires de l'AAH.

 

4/ Le médecin traitant est-il seul compétent pour reconnaître l'inaptitude au travail ?

L'assuré qui entend bénéficier du départ anticipé pour inaptitude doit, lorsqu'il formule sa demande de retraite personnelle, transmettre à sa caisse de retraite un rapport de son médecin traitant selon un modèle fourni par la caisse de retraite ou une fiche établie par le médecin du travail.

L'inaptitude au travail est ensuite appréciée et, le cas échéant, reconnue par le médecin-conseil de l'organisme qui attribue la retraite.

 

5/ Le rejet de la demande peut-il être contesté ?

Le médecin-conseil de la caisse de retraite peut expressément rejeter la demande de l'assuré. En toute hypothèse, son silence pendant plus de 4 mois vaut décision de rejet.

Toute décision de rejet peut être contestée dans le délai de 2 mois devant la commission médicale de recours amiable (CMRA). Si le recours amiable devant la CMRA échoue, une requête devant le tribunal judiciaire du domicile de l'assuré peut alors être déposée, dans un délai de 2 mois à compter de la date de notification de la décision contestée de la CMRA ou à compter de l'expiration du délai de 4 mois dont elle disposait pour notifier sa décision.
Pour le recours contentieux devant le tribunal judiciaire, l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire, mais fortement recommandée. Le juge n'est pas tenu par les avis des médecins ; quelle que soit la teneur de sa décision, il fixe librement le taux d'incapacité.

 

6/ Le départ anticipé influe-t-il sur les autres conditions de départ à la retraite ?

Une fois l'inaptitude au travail reconnue, l'assuré peut bénéficier d'un départ anticipé à la retraite dès 62 ans. Cependant, contrairement aux autres motifs – carrière longue, handicap, incapacité physique – le départ anticipé pour inaptitude au travail n'est pas subordonné à une condition de durée d'assurance. Le dispositif peut ainsi permettre à des personnes placées en situation d'invalidité de profiter d'un départ anticipé quand bien même elles ne réuniraient pas la condition de durée d'assurance demandée pour un départ anticipé pour handicap.

 

7/ Le départ anticipé influe-t-il sur les modalités de calcul de la retraite ?

Le salaire ou revenu annuel moyen servant de base au calcul de la retraite est déterminé, dans les conditions de droit commun, en prenant en considération les 25 années civiles les plus avantageuses pour l'assuré.
Cependant, à l'inverse de l'assuré classique, le montant de la retraite pour inaptitude au travail est calculé automatiquement au taux maximal de 50 %.

Le cas échéant, la pension peut être portée au montant du minimum contributif.

L'assuré peut bénéficier de la majoration de 10 % pour enfants et de celle prévue pour assistance d'une tierce personne en cas d'invalidité.

 

8/ L'inaptitude au travail est-elle reconnue par tous les régimes de retraite ?

L'inaptitude au travail est, en principe, un motif de départ anticipé reconnu dans tous les principaux régimes de retraite obligatoires.

La reconnaissance de l'inaptitude au travail par un régime s'impose aux autres, selon un principe de coordination qui prévaut entre le régime général regroupant les salariés du secteur privé et les indépendants (hors professions libérales), le régime agricole (salariés et non-salariés).

La reconnaissance de l'inaptitude par un régime de base entraîne, en principe, ipso facto celle du ou des régimes complémentaires auprès duquel ou desquels le demandeur est affilié. Par conséquent, dans ces régimes complémentaires, les minorations normalement appliquées à un départ effectué avant l'âge prévu sont effacées.

 

9/ Comment s'organise la demande en cas d'affiliations multiples ?

Lorsque l'assuré est affilié simultanément à plusieurs régimes d'assurance vieillesse, il revient au régime saisi par la demande de départ anticipé d'apprécier l'inaptitude au travail et d'informer les autres régimes de sa décision.

Dans le cas précis d'une liquidation unique de retraite (Lura), le régime chargé de la liquidation unique – en principe, le dernier régime d'affiliation – est compétent pour apprécier l'inaptitude au travail.

 

10/ Quel est le point de départ de la retraite ?

La date d'effet de la retraite est fixée dans les conditions de droit commun. Elle est choisie par l'assuré et ne peux pas être antérieure soit à la date de dépôt de demande de retraite, soit au premier jour du mois qui suit le 62e anniversaire de l'assuré, soit au premier jour du mois suivant la date à partir de laquelle le médecin-conseil a reconnu l'inaptitude. Dans tous les cas, elle est fixée le premier jour d'un mois.

 

© Lefebvre Dalloz