IFI : comment évaluer les biens immobiliers ?
Chaque année, le contribuable tenu d'effectuer une déclaration au titre de l'impôt sur la fortune immobilière doit évaluer les biens immobiliers qu'il détient. L'imposition repose généralement sur la valeur vénale des biens. Divers facteurs peuvent néanmoins influencer cette valeur et permettre de pratiquer une décote.

L'impôt sur la fortune immobilière (IFI) est l'impôt dû par les personnes physiques dont le patrimoine immobilier, apprécié au niveau du foyer fiscal le 1er janvier de l'année d'imposition, excède un seuil fixé à 1 300 000 €. L'ensemble des biens et droits immobiliers appartenant au redevable et aux membres du foyer fiscal constituent par conséquent la base taxable. Sont également retenues les parts ou actions des sociétés ou organismes, établis en France ou hors de France, à hauteur de la fraction de leur valeur représentative de biens ou droits immobiliers détenus directement ou indirectement.
Dans les deux cas, ces biens échappent à l'imposition dès lors qu'ils sont affectés à une activité professionnelle.
Le contribuable qui déclare chaque année ses biens immobiliers taxables à l'IFI doit les évaluer. La détermination de la valeur à déclarer est l'un des aspects les plus délicats de l'IFI. En règle générale, l'assiette d'imposition repose sur la valeur vénale des biens, déterminée au jour du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire au 1er janvier de chaque année. Parallèlement, les dettes déductibles sont appréciées à la même date.
Bon à savoir |
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Lorsqu'ils sont imposables, les biens situés à l'étranger, y compris les actions ou parts de sociétés ayant leur siège social hors de France, sont évalués dans les mêmes conditions que les biens situés en France. L'Administration peut, dans le cadre de son contrôle, avoir recours aux administrations fiscales étrangères lorsque des conventions prévoient sur ce point une assistance administrative. |
Comment déterminer la valeur vénale ?
La valeur vénale n'est pas définie par la loi. Elle correspond au prix que le jeu normal de l'offre et de la demande permettrait au propriétaire de retirer de la vente d'un bien déterminé, à un moment donné, compte tenu des données du marché, des particularités physiques, juridiques et économiques de ce bien, abstraction faite de toute valeur de convenance.
Point d'attention |
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Il ne faut jamais perdre de vue l'objectif essentiel de l'évaluation : obtenir une valeur aussi proche que possible de celle qu'aurait entraînée le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel. Pour appréhender la valeur vénale réelle d'un bien de façon objective, il convient de se placer du point de vue d'un acheteur quelconque (valeur objective) et non d'une personne déterminée (valeur de convenance sur laquelle l'accord se fait) et donc de laisser de côté les circonstances propres à la situation personnelle des parties. |
La notion de valeur vénale est donc sensée exprimer le prix tel qu'il pourrait être stipulé dans une transaction se déroulant dans des conditions idéales.
La valeur vénale s'insère dans une fourchette de prix (prix minimal – prix maximal) qui, pour être satisfaisante, doit être constituée par un échantillon représentatif de prix.
Opérer une décote dans certaines situations, avec modération…
Divers éléments sont susceptibles d'influencer la valeur vénale à la baisse. Certains sont spécifiques à telle ou telle catégorie de bien, par exemple, sa localisation géographique. D'autres facteurs, en revanche, influencent la valeur vénale quel que soit le type de bien considéré. Ils sont essentiellement d'ordre juridique telles que des limitations ou restrictions qui affectent le droit de propriété du contribuable.
La première décote possible concerne le logement occupé à titre de résidence principale au 1er janvier de l'année d'imposition. Certes, la législation pose le principe que les immeubles dont le propriétaire a l'usage doivent en principe être évalués pour leur valeur libre de toute occupation (CGI art. 761). En d'autres termes, aucune décote ne peut être pratiquée par le propriétaire de l'immeuble au titre de son occupation. Cependant, par dérogation, elle autorise expressément qu'un abattement de 30 % puisse être appliqué sur la valeur vénale de la résidence principale du contribuable (CGI art. 973).
En cas d'imposition commune à l'IFI pour un couple de contribuables ayant chacun une résidence principale, un seul immeuble est susceptible de bénéficier de l'abattement. En revanche, lorsque les époux sont imposés séparément, l'abattement de 30 % peut s'appliquer à la résidence principale de chacun des époux.
Notez que les titulaires de parts de sociétés immobilières non transparentes (SCI, en particulier) ne bénéficient pas de l'abattement.
Bon à savoir |
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L'usufruitier qui occupe un immeuble à titre de résidence principale bénéficie de l'abattement de 30 %. En revanche, il ne peut pratiquer aucun abattement au titre du démembrement lui-même (voir ci-après). |
L'abattement pour la résidence principale n'est pas applicable à une résidence secondaire ni à un immeuble donné en location. Cependant, une décote peut être opérée sur la valeur d'immeubles loués et soumis à la réglementation des baux de locaux à usage d'habitation principale. Les contraintes de cette réglementation justifient, en effet, un abattement sur la valeur libre de toute occupation qui, dans la région parisienne, est généralement compris entre 25 % et 40 % selon les circonstances. Dans le cas d'appartements parisiens loués sous le régime de la loi de 1948 (qui donne au locataire un droit au maintien dans les lieux sans limitation de durée), les juges ont admis, compte tenu du faible nombre de cessions comparables, de déterminer la valeur vénale par comparaison avec la valeur libre des appartements avec une décote de 40 % (CA Paris 13-12-2011 n° 10-20695 : rendue en matière de droits de succession, cette solution vaut aussi pour l'IFI).
On peut encore citer comme facteurs de dépréciation l'obligation d'effectuer certains travaux (par exemple, le ravalement prescrit par un arrêté municipal), le classement en tant que monument historique qui génère des contraintes particulières (ouverture au public, lourdes charges d'entretien), etc.
Attention ! Il faut veiller à ne pas exagérer la décote appliquée au point de sous-évaluer ses immeubles, en raison des risques que cela comporte. La sous-évaluation peut se retourner contre le contribuable s'il est exproprié, car sa déclaration lui est alors opposable. Il en est de même lorsque l'Administration exerce son droit de préemption pour les biens situés dans certains secteurs, sans oublier, surtout, l'éventualité d'un redressement fiscal.
L'indivision : autre facteur de dépréciation
Lorsque la propriété d'un bien est indivise, sa valeur vénale peut s'en trouver affectée. La lourdeur de gestion et la cession rendue plus difficile peuvent justifier une dépréciation. De même, lorsque la nue-propriété d'un immeuble est en indivision, l'usufruitier qui est imposable sur la pleine propriété peut tenir compte de la perte de valeur vénale qui en résulte.
Illustration |
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Pour tenir compte de l'indivision constituée entre deux coïndivisaires ne manifestant aucune mésentente entre eux, une décote de 30 % a été admise (CA Paris 4-12-2003 n° 2002-07543). A contrario, une indivision sur une résidence principale détenue par des époux mariés sous le régime de la séparation de biens n'autorise aucune décote, la valeur de l'immeuble n'étant pas affectée dès lors que la cession par l'un des époux de sa quote-part est peu probable (Cass. com. 27-3-2019 n° 18-10.933 ; solution rendue en matière d'ISF mais transposable à l'IFI). |
Pour estimer la valeur vénale de biens immobiliers indivis, l'Administration doit se référer à des éléments de comparaison tirés de la cession de biens intrinsèquement similaires et spécialement de droits immobiliers indivis, dont la valeur propre diffère de la seule fraction de la valeur totale du bien correspondant à la proportion des droits indivis. Par conséquent, on retiendra que la valeur vénale de droits indivis est spécifique et ne se confond pas avec la fraction de la valeur totale correspondant aux droits indivis.
Pas de décote en situation de démembrement
Il pourrait être tentant de considérer que l'existence d'un démembrement de la propriété est de nature à affecter la valeur vénale d'un bien. En effet, la nécessité d'un accord conjoint de l'usufruitier et du nu-propriétaire pour vendre la pleine propriété peut sérieusement entraver un besoin rapide de liquidités. Pour autant, suivant en cela la doctrine administrative, la Cour de cassation a toujours refusé au redevable de l'impôt sur la fortune la possibilité de pratiquer un abattement pareille situation (Cass. com. 20-3-2007 n° 05-16.751 ; solution rendue sous l'empire de l'ISF mais transposable à l'IFI ; BOI-PAT-IFI-20-20-30-10 n° 1).
Autre cas d'exclusion d'une décote : l'existence d'un droit de retour et/ou d'une interdiction d'aliéner stipulés à l'occasion d'une donation ayant pour effet de restreindre le droit de propriété du donataire. En pareille situation, il serait logique d'appliquer une décote sur la valeur vénale du bien, proportionnelle aux limitations apportées au droit de propriété du contribuable. Malheureusement, pour la Cour de cassation, la limite apportée par le donateur à la liberté de disposer du bien donné n'affecte pas sa valeur vénale.
Quelle méthode utiliser ?
La valeur vénale d'un bien peut être déterminée de différentes façons. La loi n'impose d'ailleurs aucune méthode particulière. Cependant, la jurisprudence et la doctrine administrative considèrent que la valeur vénale des immeubles (bâtis ou non bâtis) doit, sauf cas exceptionnel, obligatoirement être déterminée par comparaison avec des cessions en nombre suffisant de biens intrinsèquement similaires. Attention, un immeuble intrinsèquement similaire n'est pas forcément identique (CA Colmar 6-10-2022 n° 20/0230).
Pour dégager des termes de comparaison, le contribuable doit prendre quelques précautions. En premier lieu, la période de temps à prendre en compte varie en fonction du marché, de son évolution, du nombre de mutations et de la diversité des biens : plus le marché est actif, plus la période doit être courte (un semestre) ; moins il est actif, plus elle sera longue (deux ou trois années). Mais attention, les termes de comparaison retenus ne doivent pas être postérieurs, en matière d'IFI, au 1er janvier de l'année d'imposition.
Ensuite, la zone géographique pris en référence doit être fonction de la rareté relative du bien. L'évaluation d'un immeuble exceptionnel, par exemple, justifie d'élargir la comparaison au marché régional voire national. L'environnement économique et le contexte juridique ne doivent pas être négligés : évolution prévisible des revenus, réglementation existante, réforme de la législation en cours. Enfin, tous les types de ventes doivent être retenus (cessions de gré à gré, adjudications, acquisitions publiques, etc.).
Conseil |
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Afin de faciliter l'évaluation de ses biens, le contribuable peut consulter la base de données DVF (Demande de valeur foncière) à l'adresse https://cadastre.data.gouv.fr/dvf. Elle recense l'ensemble des ventes de biens (bâtis ou non) réalisées au cours des cinq dernières années. Les données proviennent des actes enregistrés chez les notaires et des informations du cadastre. Elles sont consultables de façon illimitée et aucune authentification n'est nécessaire. Attention, évaluer son immeuble sur la base des informations fournies par l'administration fiscale ne met pas à l'abri d'un redressement pour insuffisance d'évaluation. Le contribuable peut aussi utilement consulter le site du Conseil supérieur du notariat (CSN) qui met gratuitement à la disposition du public des statistiques de prix concernant le marché immobilier. |
À défaut de termes de comparaison, lorsque les résultats obtenus ont besoin d'être confortés en raison notamment de la faiblesse de l'activité du marché local ou à titre de recoupements, on peut recourir à d'autres méthodes. La première d'entre elles, la méthode de l'évaluation par le revenu, est utilisable pour les immeubles loués, et conduit à multiplier le loyer annuel par un taux de capitalisation (parfois difficile à déterminer).
Autre voie possible : l'évaluation par réajustement d'une valeur antérieure, qui conduit à déterminer la valeur actuelle en partant du prix (ou de la valeur) constaté dans une transmission antérieure du même bien et en appliquant un coefficient de réajustement représentant l'évolution du marché dans l'intervalle. En ce qui concerne les immeubles déjà déclarés l'année précédente, on peut procéder, en pratique, à des ajustements liés à l'évolution du marché et, le cas échéant, à des travaux qui ont pu valoriser le bien.
Quid des titres de sociétés ?
Pour les titres de sociétés non cotées en bourse, la méthode d'estimation par comparaison est rarement utilisable. Ils sont généralement évalués par combinaison de différentes méthodes permettant d'apprécier la valeur de l'entreprise (valeur mathématique, valeur de rendement, valeur de productivité, etc.).
Les actions et parts de sociétés ne sont imposables à l'IFI que pour la seule fraction de leur valeur représentative de biens ou de droits immobiliers imposables détenus directement ou indirectement par la société. Le contribuable doit donc commencer par déterminer la valeur vénale de ses titres puis lui appliquer le coefficient de taxation correspondant au ratio immobilier de la société. Ce ratio doit être corrigé, le cas échéant, s'il existe au passif de la société des dettes souscrites pour l'acquisition du ou des biens et droits immobiliers ou des titres. Attention ! les dettes souscrites auprès d'un membre du foyer fiscal ou du groupe familial peuvent ne pas être retenues sauf de justifier que le prêt n'a pas été contracté dans un objectif principalement fiscal ou de justifier du caractère normal des conditions du prêt (notamment du respect du terme des échéances, du montant et du caractère effectif des remboursements).
Les titres de sociétés cotées lorsqu'ils sont imposables - ce qui est rare en pratique compte tenu de l'exemption des participations minoritaires (les parts ou actions de sociétés représentant moins de 10 % du capital et des droits de vote ne sont en effet pas imposables) – sont évalués, au choix du contribuable, selon le dernier cours connu ou selon la moyenne des trente derniers cours qui précèdent le 1er janvier de chaque année.
© Lefebvre Dalloz