Imposition des salaires : les limites de la déduction des frais professionnels

Pour déduire les frais professionnels de leur revenu imposable, les salariés peuvent se contenter de la déduction automatique de 10 % ou opter pour une déduction des frais réellement engagés. Conditions d’exercice de l’option, types de frais, montants maximaux des frais admis en déduction, conservation des pièces justificatives… Tour d’horizon des principales règles à connaître au moment où commence la campagne de déclaration des revenus de 2021.

Le salaire net soumis à l’impôt sur le revenu s'obtient en retranchant notamment les frais professionnels. La prise en compte des frais professionnels par l'administration fiscale s'opère automatiquement par le biais d'une déduction forfaitaire, égale à 10 % du salaire imposable. Le montant de la déduction est alors compris entre un minimum et un maximum, fixés respectivement, pour l'imposition des revenus de 2021, à 448 € et 12 829 €.

Cependant, lorsque le salarié estime que la déduction forfaitaire de 10 % est insuffisante au regard des dépenses qu’il a engagées au cours de l’année d’imposition, il peut demander à déduire le montant réel des frais professionnels effectivement payés.

Ne pas oublier… Lorsque le salarié perçoit de son employeur des allocations, des remboursements ou des indemnités pour frais d’emploi, il doit en tenir compte et les ajouter à son salaire principal.

Un choix individuel, exercé pour une année

Le choix entre la déduction forfaitaire ou la déduction des frais professionnels réels est individuel. Chaque membre d’un même foyer fiscal peut ainsi choisir le mode de déduction qui lui paraît le plus approprié. Cependant, pour chaque salarié, le choix opéré doit obligatoirement être le même pour l’ensemble des activités dont les revenus sont soumis aux règles d’imposition des traitements et salaires.

L’option pour la déduction des frais réels est exercée pour une année. Elle doit donc être renouvelée pour chaque nouvelle déclaration des revenus. À défaut, la déduction forfaitaire normale de 10 % est appliquée.

Les frais professionnels doivent être justifiés

Principe premier : seuls les frais occasionnés directement par l’exercice de la profession salariée sont admis en déduction des revenus de l’année au cours de laquelle ils ont été effectivement payés. Sont donc exclues les dépenses résultant de convenances personnelles.

Le salarié ne peut pas se contenter d’une évaluation théorique ou forfaitaire de ses frais. Ceux-ci doivent donc correspondre à des dépenses effectivement payées. Dès lors qu’ils sont appuyés de justifications suffisantes, les frais ainsi déclarés sont admis en déduction sans aucune limite. Par exception, afin de faciliter la démarche du contribuable, certaines catégories de dépenses peuvent faire néanmoins l’objet d’une évaluation forfaitaire, les frais d’utilisation d’une voiture ou d’une moto, par exemple.

Bon à savoir… Aucune disposition ne prévoit une limitation du montant de la dépense au coût le plus économique pour le salarié (par exemple, utilisation des transports en commun plutôt qu’une voiture, contestation d’une marque automobile ou du choix de la puissance du véhicule utilisé).

Les contribuables qui optent pour les frais réels doivent remplir les cases de la déclaration de revenus prévues à cet effet. Ils n’ont pas à joindre les justificatifs à la déclaration. Cependant, ils doivent être en mesure de justifier le caractère professionnel de leurs frais et leur montant par tous moyens. Ils doivent donc conserver les documents afin de pouvoir les présenter en cas de demande de l’administration.

Bon à savoir… Le délai de reprise normal en matière d’impôt sur le revenu est de trois ans. Les justificatifs des frais professionnels doivent donc être conservés au moins pendant cette période. Le délai de reprise peut toutefois être prorogé, notamment en cas d’agissements fraduleux ou d’activités occultes.

La loi ne précise pas la nature des justificatifs à produire même si bien sûr la présentation de facture(s) constitue le moyen le plus sûr. Selon les postes de dépenses, il peut être demandé une attestation patronale, le circuit et la liste des régions visitées, les modes de transports utilisés, la marque et la puissance de la voiture, etc.

Le fisc est sensé faire preuve d’une grande souplesse en la matière. En effet, les salariés ne sont pas astreints à tenir au jour le jour une comptabilité complète de leurs dépenses professionnelles. En outre, il n’y a pas lieu non plus de refuser systématiquement la déduction de frais au seul motif que la demande n’est pas appuyée de documents détaillés, surtout s’il est notoirement reconnu, dans certains cas, que la justification précise de ces frais est pratiquement impossible. Les justifications doivent néanmoins être d’autant plus précises que le montant des frais pourrait a priori paraître anormal ou disproportionné par rapport à l’activité du salarié ou par rapport à sa rémunération. À défaut de justification, la déduction est limitée au montant de la déduction forfaitaire de 10 %.

Une liste de dépenses non exhaustive

Le régime des frais réels est à l’origine d’un abondant contentieux et suscite une forte incompréhension de la part des contribuables lorsque, d’un centre des impôts à l’autre, des positions différentes voire opposées sont prises sur des situations individuelles identiques ou similaires. Il est difficile ici d’examiner tous les cas de figure, tout au plus pouvons-nous rappeler les grandes règles défendues par l’administration fiscale.

Frais de déplacement

S’entendent des frais engagés notamment au titre :

  • du transport du domicile au lieu de travail,
  • du transport pendant les horaires de travail et les frais de mission,
  • d’un déménagement lié à un nouvel emploi ou une nouvelle affectation géographique,
  • d’une situation de double résidence.

Sur la question de la distance entre le domicile et le lieu de travail, l’administration peut admettre comme raison de l’éloignement :

  • l’exercice de l’activité professionnelle du conjoint (marié, pacsé ou concubin stable et régulier),
  • les problèmes de scolarisation des enfants,
  • certains motifs familiaux comme l’état de santé du salarié ou de l’un des membres de la famille,
  • des motifs économiques, comme la difficulté à trouver un emploi à proximité du domicile ou encore les écarts de coût de logement,
  • l’exercice de fonctions électives au sein d’une collectivité locale sur le territoire de laquelle le salarié réside.

La situation des salariés qui font état de leurs frais réels de transport entre leur domicile et leur lieu de travail doit être réglée comme suit :

  1. la distance entre le domicile et le lieu de travail n’excède pas 40 kms : dans ce cas, le salarié n’a pas à justifier du caractère normal de l’éloignement. La déduction est toujours admise dans son principe. Toutefois, les frais doivent pouvoir être justifiés (moyen de transport, factures d’entretien, etc.) ;
  2. la distance entre le domicile et le lieu de travail excède 40 kms : soit le salarié fait état de circonstances particulières justifiant l’éloignement dans une note explicative jointe à la déclaration (motifs professionnels ou motifs personnels significatifs comme ceux évoqués précédemment), les frais peuvent alors être admis en déduction dans leur intégralité à condition de pouvoir être justifiés, soit le salarié ne justifie d’aucune circonstance particulière, la déduction est alors admise à concurrence des 40 premiers kilomètres.

Dans les deux cas, l’évaluation des frais de déplacement, autres que les frais de péage, de garage ou de parking et d’intérêts annuels afférents à l’achat à crédit du véhicule utilisé – qui eux doivent être justifiés pour leur montant réel – peut, à des fins de simplification, être effectuée à l’aide du barème forfaitaire publié chaque année par l’administration.

Bon à savoir…

1. Le fait pour le contribuable d’utiliser les barèmes d’évaluation forfaitaire du prix de revient kilométrique applicables aux automobiles et aux deux-roues motorisés ou les barèmes d’évaluation forfaitaire des frais de carburant en euro au kilomètre ne le dispense pas d’apporter, en cas de demande de l’administration, les justifications nécessaires : preuve de l’existence du véhicule, type de véhicule, factures d’entretien et de réparation, copie du contrat d’assurance, réalité et importance du kilométrage parcouru, etc.
2. Les contribuables qui utilisent un véhicule pris en crédit-bail peuvent déduire les loyers pour leur montant réel et justifié, à concurrence de l’utilisation professionnelle du véhicule.

S’agissant spécifiquement des frais de double résidence, ils doivent résulter de la nécessité pour le salarié de résider pour des raisons professionnelles dans un lieu distinct de celui de son domicile habituel et sont en principe admis uniquement s’il peut justifier que toutes ses tentatives de regroupement de la famille sont restées vaines pour des raisons indépendantes de sa volonté. À l’inverse, les frais de double résidence issus ou prolongés pour des raisons qui répondent à de simples convenances personnelles ne sont pas admis en déduction.

Peuvent ainsi être concernés par cette situation de double résidence : des apprentis, des travailleurs saisonniers, des salariés en attente de mutation ou encore des élus.

Les frais de double résidence s’entendent principalement des loyers, des frais annexes de logement, des dépenses supplémentaires de repas, ainsi que des frais de transport, en principe à raison d’un déplacement aller et retour par semaine pour rejoindre le domicile familial.

Frais de repas

Les frais de nourriture constituent une dépense d’ordre personnel qui ne peut pas, en principe, être admise en déduction des revenus. Toutefois, les dépenses supplémentaires supportées par un salarié qui ne peut pas prendre ses repas chez lui en raison d’horaires de travail particuliers ou d’éloignement du lieu de travail ont le caractère de frais professionnels.

Si le salarié peut justifier avec précision le montant de ses frais de repas, il peut déduire la différence entre ce montant et une somme forfaitaire de 4,95 € par repas pour l’imposition des revenus de 2021 (5 € en 2022). À défaut, ses frais sont évalués forfaitairement à 4,95 € par repas, cette somme étant diminuée, le cas échéant, de la participation de l’employeur à l’acquisition de titres-restaurant.

L’évaluation forfaitaire ne dispense pas le salarié de faire la preuve, par tous moyens, qu’il supporte effectivement des frais supplémentaires.

Frais de formation et de documentation

Les dépenses supportées en vue d’acquérir un diplôme ou une qualification permettant au salarié d’améliorer sa situation professionnelle ou d’obtenir un nouvel emploi dans un autre domaine professionnel constituent des frais professionnels déductibles.

La déduction n’est pas remise en cause si l’exercice effectif de la nouvelle activité professionnelle n’est pas prévu immédiatement mais il faudra justifier que les dépenses ont réellement été effectuées dans la perspective de ladite activité.

En revanche, les dépenses qui ne sont pas destinées à améliorer sa situation professionnelle ne peuvent être admises en déduction (par exemple, un diplôme préparé à la veille du départ à la retraite ou au cours de la retraite).

Les frais engagés en vue d’accroître ses connaissances professionnelles, comme par exemple, l’achat d’ouvrages professionnels, l’abonnement à des publications professionnelles, ou des séjours d’études peuvent être admis en déduction. Mais, à l’inverse, ne peuvent pas être pris en compte, l’abonnement à des journaux d’informations générales, des frais de recherches personnelles liées à une passion ou à une occupation durant les temps de loisirs ou encore l’apprentissage d’une langue à titre personnel.

Répondent aux mêmes exigences :

  • les frais de stage,
  • et les frais de recherche d’un nouvel emploi.

Frais de thèse : Les frais exposés par un professeur pour la préparation, l’impression et la diffusion d’une thèse de doctorat, dès lors que celle-ci aura une influence sur le déroulement de sa carrière, peuvent être admis en déduction. Toutefois, les dépenses de diffusion, et notamment celles d’impression, sont admises en déduction seulement pour la partie de leur montant correspondant au nombre d’exemplaires nécessaires à la soutenance ou diffusés gratuitement auprès d’organismes d’enseignement ou de recherche, et après imputation des éventuelles subventions reçues à ce titre.

Locaux professionnels

Il s’agit des frais occasionnés pour l’occupation d’un local spécifique requis pour l’exercice de l’activité salariée. La déduction est réservée seulement au salarié qui ne dispose pas d’un bureau fourni par son employeur et adapté aux conditions d’exercice de sa profession. Il peut notamment s’agir :

  • de professions entraînant des travaux d’étude (artistes musiciens, par exemple), de recherche (enseignants, journalistes, etc.), de gestion ou de création (activités liées à la bureautique à domicile, à la fabrication à domicile, etc.),
  • ou d’un local spécifique (par exemple, stockage de produits de démonstration, d’échantillons ou de marchandises utilisées notamment par un VRP).

Le local affecté doit donc être effectivement utilisé à des fins professionnelles. L’importance de la superficie de ce local s’apprécie en fonction de l’activité.

Autres types de dépenses

Type de dépenses

Observations

Frais de matériel, mobilier et fournitures

Ils doivent bien évidemment se rapporter à l’exercice de la profession. Ne peut donc entrer dans cette catégorie l’ordinateur acheté principalement à des fins personnelles. Bien entendu, en cas d’utilisation mixte, la dépense doit être réduite en proportion de l’usage à des fins privées.

S’agissant des frais spécifiques aux professions artistiques, l’administration peut admettre des déductions forfaitaires fixées par elle (règle des 14 % et 5 %).

Frais vestimentaires

La déduction n’est admise que s’il s’agit d’acquérir et d’entretenir des vêtements ou des tenues spécifiques exigés pour l’exercice de l’activité professionnelle.

Frais de travail de nuit

Les frais supplémentaires supportés par les personnes astreintes à un travail de nuit, tels que frais de repas ou de retour au domicile en taxi, sont admis en déduction.

Frais de réception, de représentation ou de gratification

Ce poste de dépenses s’examine au cas par cas. Il doit avoir, là encore par principe, un caractère professionnel (notamment acquérir, conserver ou développer une clientèle). Les frais d’invitations destinées à créer ou à entretenir des relations personnelles ne constituent pas des dépenses professionnelles déductibles.

Cotisations professionnelles

Les cotisations versées par les salariés aux syndicats et associations professionnels, les cotisations à des sociétés savantes, ainsi que les cotisations ou primes d’assurance de responsabilité professionnelle peuvent être admises en déduction.

Les cotisations sociales obligatoires ou ayant un caractère obligatoire ne figurent pas parmi ces dépenses. Elles sont déductibles du salaire brut, c’est-à-dire avant la prise en compte des frais professionnels.

Impôt, taxes et amendes

Les impôts et taxes payés par un salarié sont admis en déduction lorsqu’ils se rapportent directement à l’activité professionnelle. Il en va ainsi des taxes (ou de la quote-part de ces taxes) afférentes à un local exclusivement utilisé pour les besoins de la profession. En revanche, les amendes pénales constituent des peines personnelles. Elles ne peuvent donc être déduites.

Frais médicaux

Les dépenses de santé ont un caractère personnel, elles ne sont donc pas susceptibles d’être admises en déduction de votre rémunération brute. Toutefois, lorsque le port d’un appareil ou d’une prothèse est indispensable pour remédier à un grave handicap, qui, non corrigé, interdirait à la personne qui en est atteinte l’exercice normal d’une activité professionnelle, la dépense correspondante peut être considérée comme ayant un caractère professionnel.

Frais de personnel

Les sommes versées à des collaborateurs salariés ou non auxquels le salarié a recours pour le seconder dans l’exercice de sa profession ont le caractère de dépenses professionnelles déductibles. Par contre, les sommes versées à un tiers que le salarié a chargé, pour des motifs de convenance personnelle, d’accomplir à sa place le travail qui lui a été confié ne constituent pas des frais professionnels.

Vol

Le salarié victime du vol d’une somme d’argent qui appartenait à son employeur peut intégrer dans ses dépenses professionnelles les remboursements qu’il effectue à ce titre.

Frais de procès

Les dépenses supportées dans le cadre de procédures prud’hommales engagées contre leur employeur, notamment en vue du paiement de salaires, constituent des frais professionnels.

Intérêts d’emprunt en vue d’acquérir des titres de la société dans laquelle le salarié travaille

Ces dépenses (intérêts de l’emprunt et frais liés) sont déductibles dans la limite d’un montant proportionnel à la rémunération annuelle perçue au moment où l’emprunt est contracté.

Cette déduction au titre des frais réels n’est pas cumulable avec l’autre régime de déduction des intérêts d’emprunt sur les salaires au titre de la souscription au capital d’une entreprise nouvelle (régime éteint au 31 décembre 2016 mais qui peut encore s’appliquer tant que le contribuable supporte la charge d’un emprunt).

Elle ne se cumule pas non plus avec diverses réductions d’impôt, notamment la réduction d’IR au titre des souscriptions au capital de PME. Elle ne concerne pas non plus des intérêts liés à la souscription ou à l’acquisition de titres destinés à figurer dans un PEA ou un plan d’épargne salariale.

Dépenses effectuées à l’étranger

Dès lors qu’elles ont un caractère professionnel, le montant de ces dépenses exprimées sur les justificatifs doit être normalement converti en euro selon le cours de change au jour de leur paiement. Il est toutefois admis qu’elles puissent être calculées à partir de la moyenne des cours au 31 décembre de l’année N-1 et au 31 décembre de l’année N, tels que publiés par la Banque de France.

Cas de déficit

Dans l’hypothèse, sans doute très exceptionnelle, où le montant de ces charges professionnelles déductibles est supérieur au montant du salaire imposable, le déficit peut, selon le principe de droit commun posé par le Code général des impôts, venir en déduction du revenu global de la même année et, pour l’excédent, sur celui des 6 années suivantes.

 

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