Le mandat de protection future en 10 questions

Institué en 2007, le mandat de protection future donne à chacun la possibilité d'organiser à l'avance sa propre protection en cas de perte d'autonomie, ou sous certaines conditions celle de son ou ses enfants. Il peut ainsi, pendant un certain temps, éviter l'ouverture d'une mesure judiciaire d'incapacité. Tour d'horizon en 10 questions de ce dispositif particulier de protection de la personne et des biens établi par convention.

Quel est le principe général du mandat de protection future ?

Le mandat de protection future est un contrat par lequel une personne organise par avance sa protection le jour où elle ne pourrait plus pourvoir seule à ses intérêts en raison d'une altération soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles. L'altération doit être constatée par un médecin.

La solution du mandat de protection future vise à anticiper un risque de perte d'autonomie ou de décès, et permet d'éviter l'ouverture d'une mesure de protection judiciaire d'incapacité – sauvegarde de justice, curatelle ou la tutelle – qui peut être perçue comme complexe à engager.

Qui peut donner mandat et qui peut être le mandataire ?

Toute personne capable, à savoir une personne majeure ou mineure émancipée, peut conclure un tel mandat pour elle-même. Le mandat peut aussi être donné pour autrui. Ainsi les parents ou le dernier vivant des père et mère peuvent-ils l'établir pour leur enfant, notamment les parents d'un enfant majeur handicapé.

Le mandataire peut être toute personne physique majeure et juridiquement capable choisie par le mandant. Il n'est pas nécessaire que cette personne ait un lien de parenté avec le mandant. Le mandataire peut donc être un ami ou un professionnel (notaire, gestionnaire de patrimoine, par exemple). Cependant, les professionnels de santé (professions médicales, auxiliaires médicaux et pharmaciens) ne peuvent pas être mandataires de l'un de leurs patients ou clients.

Le mandant peut également opter pour le choix d'une personne morale inscrite sur la liste des mandataires judiciaires agréés à la protection des majeurs. Cette liste est tenue par la préfecture du département.

Plusieurs mandataires peuvent être désignés.

De la rémunération du mandataire

Article 419 du Code civil : "Le mandat de protection future s'exerce à titre gratuit sauf stipulations contraires". Par conséquent, le mandant a toute liberté pour décider du principe d’une rémunération, de son montant (forfaitaire, proportionnel aux revenus des biens gérés, lié aux diligences du mandataire, etc.) et de ses modalités de versement (périodicité, notamment).

Comment s'établit le mandat ?

Le mandat est conclu par acte notarié ou par acte sous signature privée. Cependant, un mandat établi par les parents pour leur(s) enfant(s) est obligatoirement notarié.

Pour être valable, le mandat conclu sous signature privée doit être contresigné par un avocat, sauf s'il est conforme au modèle établi par le ministère de la justice (formulaire Cerfa n° 13592 + notice utile à la compréhension du dispositif).

Le registre civil tarde à venir...

L'article 477-1 du Code civil prévoit que le mandat de protection future est publié par une inscription sur un registre spécial dont les modalités et l'accès sont réglés par décret (loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015), lequel n'a toujours pas été publié.

Que peut-on prévoir dans le mandat ?

Le mandat de protection future est un contrat libre : le mandant choisit à l'avance l'étendue des pouvoirs confié au(x) mandataire(s). La protection porte autant sur sa personne (maintien ou pas à domicile par exemple) que sur l'ensemble des questions relatives à la vie courante (achats, déplacements, paiement des factures, loisirs, etc.) et celles relatives à la gestion des biens composant son patrimoine. Le mandat peut d'ailleurs prévoir d'assigner ces missions à des personnes différentes.

Pour plus de précisions, voir aussi la question "Quels sont les pouvoirs du mandataire ?".

Quand le mandat prend-il effet ? Quand le mandat-il est mis en œuvre ?

Le mandat prend effet lorsqu'il est établi que le mandant ne peut plus pourvoir seul à ses intérêts. À cette fin, le mandataire produit au greffe du tribunal judiciaire le mandat et un certificat médical émanant d'un médecin agréé inscrit sur la liste du procureur de la République (liste disponible auprès du greffe du tribunal d'instance).

Le médecin auteur du certificat circonstancié reçoit, à titre d'honoraires, la somme de 160 €.

Précisions

Le certificat médical :

  • décrit avec précision l'altération des facultés du majeur à protéger ou protégé ;
  •  donne au juge tout élément d'information sur l'évolution prévisible de cette altération ;
  •  précise les conséquences de cette altération sur la nécessité d'une assistance ou d'une représentation du majeur dans les actes de la vie civile, tant patrimoniaux qu'à caractère personnel, ainsi que sur l'exercice de son droit de vote.

Le certificat indique si l'audition du majeur est de nature à porter atteinte à sa santé ou si celui-ci est hors d'état d'exprimer sa volonté.

Le certificat est remis par le médecin au requérant sous pli cacheté, à l'attention exclusive du procureur de la République ou du juge des tutelles.

À ce stade le greffier peut refuser l'enregistrement du mandat lorsqu'il soupçonne une anomalie ou que les conditions de forme ne sont pas remplies, auquel cas, le juge des tutelles est saisi.

Quels sont les pouvoirs du mandataire ?

À relier avec la question "Que peut-on prévoir dans le mandat ?".

Protection de la personne

Les pouvoirs du mandataire concernant la personne sont délimités par les dispositions des articles 457-1 à 459-2 du Code civil. Selon des modalités adaptées à son état, le mandant conserve le droit de prendre seule les décisions relatives à sa personne. Il doit, à ce titre, recevoir de la personne chargée de sa protection, toutes informations sur sa situation personnelle, les actes concernés, leur utilité, leur degré d'urgence, leurs effets et les conséquences d'un refus de sa part.

Lorsque l'état de la personne protégée ne lui permet pas de prendre seule une décision personnelle éclairée, le juge des tutelles, ou le conseil de famille s'il a été constitué, peut prévoir qu'elle bénéficiera, pour l'ensemble des actes relatifs à sa personne ou ceux d'entre eux qu'il énumère, de l'assistance de la personne chargée de sa protection.

De même, sauf urgence, la personne chargée de la protection du majeur ne peut, sans l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, prendre une décision ayant pour effet de porter gravement atteinte à l'intégrité corporelle de la personne protégée ou à l'intimité de sa vie privée.

Les actes strictement personnels ne peuvent pas être accomplis par le mandataire, comme, par exemple, une adoption ou la reconnaissance d'un enfant (article 458 du Code civil).

Protection des biens

Un mandat de protection future peut prévoir que certains actes affectant les biens de la personne protégée ne pourront être accomplis par le mandataire, ou seront soumis à autorisation du juge. A défaut de telles précisions, les pouvoirs du mandataire sont fonction de la forme du mandat.

Le mandat sous signature privée limite les droits du mandataire principalement aux actes d'administration ou actes conservatoires (gérer les biens, percevoir les revenus et actes de gestion courante). Même contresigné par un avocat, le mandat sous signature privée ne peut pas donner au mandataire le pouvoir d'accomplir des actes de disposition (vente d'un bien, par exemple).

Si le mandat est notarié, les pouvoirs sont sensiblement équivalents à celui d'un tuteur. Sauf si le mandat ne le permet pas, le mandataire peut effectuer seul les actes de disposition à titre onéreux (une vente, par exemple). Les actes de disposition à titre gratuit (donation, testament, etc.) requièrent l'autorisation du juge.

Quelles sont les obligations du mandataire ? Qui le contrôle ?

Que le mandat ait été donné par acte notarié ou sous signature privée, le mandataire doit exécuter personnellement sa mission. Comme la tutelle ou la curatelle, le mandat de protection future est une charge personnelle. Une règle qui ne souffre d'aucune dérogation.

Par principe, le mandataire doit établir annuellement le compte de sa gestion selon les modalités définies dans le mandat. Si le mandat a été conclu par acte notarié, le mandataire doit adresser le compte de gestion accompagné de toutes les pièces justificatives au notaire qui a établi le mandat. Le notaire est chargé de contrôler le compte de gestion. Si le mandat a été passé par un acte sous signature privée, soit le mandataire adresse les comptes à la personne désignée expressément dans le mandat, soit les comptes sont vérifiés selon les modalités définies par le mandat.

Précision

Le mandataire chargé de l'administration des biens doit procéder à un inventaire lors de l'ouverture de la mesure. Il doit en assurer son actualisation au cours du mandat afin de maintenir à jour l'état du patrimoine.

Dans tous les cas de figure, le juge peut être amené à faire vérifier les comptes, a fortiori lorsque le notaire le saisit pour tout mouvement de fonds ou tout acte qui ne serait pas conforme aux stipulations du mandat.

Le mandataire peut être révoqué pour manquements à ces obligations.

Le mandant a toute latitude pour désigner une ou plusieurs personnes chargées du contrôle l'activité du mandataire.

Du contrôle du mandataire

Au-delà du contrôle légal, le mandat a toute latitude pour désigner ou une plusieurs personnes ayant pour mission de contrôler l'activité du mandataire et de fixer leurs pouvoirs et, le cas échéant, leur rémunération.

À l'expiration de son mandat et dans les cinq années qui suivent, le mandataire doit tenir à la disposition de la personne qui est amenée à poursuivre la gestion, de la personne protégée si elle a recouvré ses facultés ou de ses héritiers, l'inventaire des biens et les actualisations auxquelles il a donné lieu ainsi que les cinq derniers comptes de gestion. Il doit également tenir à leur disposition les pièces nécessaires pour continuer la gestion ou assurer, s'il y a lieu, la liquidation de la succession de la personne protégée.

 Quelle est la responsabilité du mandataire ?

Le mandataire répond des dommages qu'il aurait pu causer par sa faute selon les règles de droit commun. Les dispositions du Code civil précisent que les tribunaux prennent en considération l'utilité ou l'inutilité de l'opération, l'importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté. Sa responsabilité sera plus sévèrement appréciée s'il est rémunéré que s'il ne l'est pas.

Peut-on modifier ou révoquer le mandat ? Quand le mandat prend-il fin ?

Tant que le mandat n'a pas pris effet, le mandant peut modifier ou révoquer le mandataire choisi. Ce dernier peut également y renoncer.

Dès lors que le mandat a pris effet, il n'est pas limité dans le temps. Celui-ci prend fin néanmoins pour l'une ou l'autre des raisons suivantes :

  • rétablissement des facultés du mandant constaté par un certificat établi par un médecin agrée (voir question "Quand le mandat prend effet ?"),
  • décès du mandant ou le placement de l'intéressé sous tutelle ou curatelle,
  • décès du mandataire (la désignation du mandataire est personnelle, elle n'est pas transmise aux héritiers) ou la faillite du mandataire s'il s'agit d'une personne morale,
  • révocation du mandataire prononcée par le juge des tutelles.

Quel est le coût du mandat de protection future ?

Le coût d'un mandat de protection future dépend de la forme de celui-ci et de son contenu.

Conclu sous signature privée, le coût est fonction de l'éventuelle intervention d'un avocat. En outre, les frais liés à l'enregistrement du mandat auprès de la recette des impôts afin de lui conférer une date certaine et d'éviter tout litige ultérieur sont de 125 €.

Lorsque le mandat est dressé par acte notarié, le coût est au minimum de l'ordre de 131 €.

Quant à l'exécution même du mandat, il convient de tenir compte :

  • de l'éventuelle rémunération allouée au mandataire,
  • des frais dévolus au notaire, le cas échéant, pour l'examen des comptes annuels, lesquels varient selon l'importance des sommes concernées.

S'ajoutent enfin les frais liés aux certificats médicaux constatant l'altération des facultés du mandant et, le cas échéant, le rétablissement de ces mêmes facultés, voir les questions "Quand le mandat prend effet ?" et "Quand le mandat prend fin ? ".

 

© Lefebvre Dalloz