Les droits des parents sur l'argent de leur enfant

Le pouvoir très limité de l'enfant sur ses biens jusqu'à sa majorité

Tant qu'il est mineur, les droits patrimoniaux de l'enfant sont exercés par ses parents. L'enfant dispose de quelques pouvoirs de gestion qui sont limités à la seule utilisation de son argent de poche avec lequel il peut procéder à des achats de faible valeur sans avoir nécessairement à rendre de comptes.

Quid du mineur émancipé ?

L'émancipation est un acte par lequel un mineur acquiert avant l'âge de 18 ans certains droits reconnus aux majeurs. Sur demande des parents ou de l'un d'eux, le juge accorde l'émancipation si la situation le justifie, notamment lorsque le mineur exerce déjà une activité professionnelle et/ou qu'il ne vit plus chez ses parents. Dès lors, le mineur émancipé peut, seul, ouvrir un compte bancaire, souscrire un emprunt, effectuer un achat ou une vente ou encore percevoir ses propres revenus.

Comme pour beaucoup d'actes de la vie courante, l'intervention de ses représentants légaux est donc indispensable à l'enfant pour toutes les opérations d'ordre financier ou patrimonial. Selon les principes généraux posés par le Code civil (article 389 et suiv.), les parents exercent en commun l'administration légale des biens de l'enfant sous la vigilance du juge des tutelles dont l'accord ou l'arbitrage est requis pour certains actes (voir ci-après) et en cas de désaccord des parents. De même, ils représentent le mineur dans tous les actes civils qu'il aura à accomplir.

Même divorcés, les parents restent tous deux administrateurs des biens de l'enfant. Si, à la suite d'un décès, l'enfant vit avec un seul de ses parents, l'administration légale est alors placée sous contrôle judiciaire. Dans ce cas, certains actes nécessiteront obligatoirement l'accord du juge des tutelles.

Dès lors, jusqu'à 18 ans, l'enfant ne peut donc pas ouvrir seul un compte bancaire. Les limites de fonctionnement de ce compte (retraits, découvert, moyens de paiement, etc.) sont déterminées par son représentant légal et l'établissement bancaire lors de la signature du contrat. De même, l'enfant mineur n'a pas accès aux sommes inscrites sur un livret A ouvert à son nom. Il ne pourra effectuer des retraits qu'une fois atteint l'âge de 16 ans et sous réserve que ses parents ne s'y opposent pas. En pratique, les banques ont fait évoluer ces règles puisqu'elles proposent désormais des cartes de retrait sur livret à partir de 12 ans, un phénomène lié à la création du livret jeune en 1996. Cela suppose bien sûr l’autorisation du représentant légal. Cependant, il est certain que le livret jeune constitue un espace de liberté pour le mineur qui souhaite un peu d'autonomie pour gérer son argent. En effet, il peut procéder librement à l'ouverture de son livret, bien que sa demande doit être accompagnée du nom et de l'adresse de ses parents ou de son représentant légal, et les opérations de dépôt et de retraits au guichet peuvent être effectuées sans l'intervention de ceux-ci.

Le mineur et l'assurance-vie

  • Un mineur non émancipé ne peut pas souscrire seul un contrat d'assurance vie.
  •  Le mineur peut être l'assuré d'un tel contrat. La contre-assurance en cas de décès est autorisée sous réserve du consentement du jeune et de son représentant. Cependant, une assurance décès souscrite au nom d'un mineur de moins de 12 ans est interdite.
  •  Le mineur de moins de 16 ans ne peut pas choisir le ou les bénéficiaires de son contrat. Le bénéficiaire en cas de vie doit être lui-même. En cas de décès, la clause bénéficiaire type doit être "les héritiers légaux".
  •  Le mineur ne peut pas faire fonctionner seul son contrat. Seul le représentant légal peut effectuer des dépôts. Les avances et les retraits sont des actes de disposition et requièrent l'autorisation des deux parents.

Enfin, le mineur n'a pas non plus accès au crédit. Et si l'enfant se trouve être propriétaire d'un bien immobilier, il ne pourra pas en disposer, à savoir le vendre ou le donner, ou effectuer tout acte de gestion.

Le pouvoir des parents : un droit d'administration et de jouissance encadré

Les parents ont de fait l'administration et la jouissance des biens de leur enfant. Les parents sont ainsi libres de procéder aux actes de gestion courante (encaissement de loyers, paiement des assurances ou encore établissement d'un contrat de bail, par exemple). Ce droit étant exercé en commun, chacun des deux parents est réputé avoir le consentement de l'autre pour réaliser seul les actes nécessaires.

Dès lors qu'il s'agit de procéder à un arbitrage dans le patrimoine de l'enfant (la vente d'un bien immobilier ou encore la contraction d'un emprunt, par exemple), les actes, dits de disposition, nécessitent eux l'accord des deux parents et doivent être soumis à l'accord du juge des tutelles. Celui-ci veille à l'intérêt de l'enfant.

Dans tous les cas de figure, le juge des tutelles peut aussi être saisi en cas de désaccord entre les parents.

Durant la minorité de l'enfant, les parents peuvent donc jouir des biens de leur enfant. Ce droit est assimilé à un droit d'usufruit qui leur confère la possibilité de percevoir les revenus personnels de l'enfant jusqu'à ce qu'il ait atteint l'âge de 16 ans. Après 16 ans, les parents peuvent continuer à percevoir ces revenus mais avec l'obligation de lui rendre des comptes lorsque l'enfant atteindra sa majorité.

Même si les parents ne sont pas sensés consommer les biens de leur progéniture, ils disposent en pratique d'une grande liberté pour dépenser les revenus procurés par ces biens. Ils sont toutefois sensés agir dans l'intérêt de leur enfant. Ils doivent donc veiller à la bonne gestion de ses biens et faire bon usage des revenus en contribuant à l'entretien et à l'éducation de l'enfant.

En principe, les revenus des placements de l'enfant ne sont pas versés automatiquement aux parents. Ces derniers doivent normalement s'adresser auprès du banquier ou de l'assureur dépositaire du ou des comptes de l'enfant. Cela étant, ce droit de jouissance conduit souvent les parents à prendre la liberté de procéder à des dépôts et des retraits sur les comptes ou livrets ouverts au nom de leur enfant. Dans bien des cas, ceci leur permet de faire le plein de certains avantages, s'agissant notamment des plafonds de dépôts sur les livrets d'épargne réglementée non fiscalisés. Ces mêmes parents se montrent parfois indélicats en vidant ces livrets à l'approche de la majorité de l'enfant.

Les banquiers sont normalement tenus de ne pas se faire complices de ce type d'opérations fictives. Outre le fait que l'enfant pourra demander des comptes sur les sommes lui appartenant et les comptes dont il est juridiquement propriétaire, l'argent donné régulièrement de cette façon à l'enfant équivaut le cas échéant à une donation manuelle. S'agissant du PEL par exemple, une circulaire du 23 avril 1992 rappelle qu'il est "conseillé aux établissements de crédit d’informer les parents ou les tiers concernés des conséquences de l’ouverture d’un plan ou d’un compte au nom d’un enfant mineur". La personne qui alimente le plan se dépouille donc irrévocablement et l'établissement doit opposer un refus à toute demande de reprise des fonds. Un principe affirmé par la Cour de cassation (1ère ch. civ., 06.10.2010, n° 08-12684, et de nouveau plus récemment par la Cour d'appel de Douai, 3e chambre, 17.01.2013, n° 11-08443).

Enfin, il existe 3 catégories de biens sur lesquels les parents n'ont aucun pouvoir de gestion :

  •  les revenus acquis par l'enfant en contrepartie d'un travail : en principe, cet argent est versé sur un compte bloqué,
  •  les biens donnés ou légués à l'enfant incluant une condition expresse que les parents n'en jouiront pas,
  • et les biens reçus au titre d'une succession pour laquelle le père ou la mère a été jugé indigne. Dans ce cas, seul le parent non frappé d'indigné dispose toujours d'un droit de jouissance.

Recours possible de l'enfant devenu majeur

Une fois devenu majeur l'enfant peut contester la façon dont a été géré son patrimoine. La loi lui permet d'engager une action contre ses parents ou son administrateur légal dans les 5 ans suivant ses 18 ans. Il faut qu'il puisse prouver qu'il y a eu détournement de fonds ou non restitution des biens qui lui appartenaient.

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