Paiement fractionné ou différé des droits de succession : mode d'emploi

Les héritiers peuvent demander le fractionnement des droits de succession dont ils sont redevables ou différer leur paiement, moyennant intérêts dans l'un ou l'autre des deux cas. La demande de crédit auprès du Trésor public doit comporter une offre de garanties suffisantes

En principe, les droits d'enregistrement doivent être acquittés en intégralité avant l'exécution de l'enregistrement. Par exception, les droits de mutation par décès, autrement dit les droits de succession, peuvent faire l'objet d'un paiement fractionné ou différé. La procédure revient donc à solliciter un crédit au Trésor public, crédit qui doit être expressément demandé lors du dépôt de la déclaration de succession soit "au pied de l'acte", soit dans un document joint. Pour l'une ou l'autre des deux formules de crédit, la procédure de paiement effectif des droits est encadrée, et, en règle générale, elles donnent lieu au paiement d'intérêts. Dans tous les cas, les droits ayant fait l'objet d'une telle demande de paiement échelonné peuvent toujours être acquittés par anticipation (totale ou partielle), sans pénalités !

Condition préalable : présenter des garanties suffisantes

La demande de paiement fractionné ou de paiement différé doit contenir une « offre de garanties suffisantes que le débiteur des droits s'engage à constituer à ses frais » dans un délai de quatre mois à compter de l'accord du comptable public (CGI, ann. III, art. 399).

Tous les types de garanties peuvent être proposés. Pour l'essentiel, il s'agira d'une caution ou d'une hypothèque : "Les garanties peuvent notamment consister en des sûretés réelles d'une valeur au moins égale au montant des sommes au paiement desquelles il est sursis ou en un engagement solidaire souscrit par une ou plusieurs personnes physiques ou morales agréées comme caution par le comptable public" (CGI, ann. III, art. 400). En tout état de cause, le comptable public compétent apprécie sous sa responsabilité la garantie offerte. Ce sont bien souvent les sûretés réelles immobilières (hypothèques) qui auront la faveur de l'administration.

Paiement fractionné : trois échéances possibles sur un an pour le cas général

La solution du paiement fractionné permet d'acquitter les droits en plusieurs versements égaux, trois au maximum, à intervalles de six mois au plus, sur une période maximale d'un an. Le premier de ces versements doit intervenir avec le dépôt de la déclaration de succession. Par la suite, le paiement doit intervenir dans le mois suivant chaque échéance prévue. Par exemple, un premier paiement au dépôt de la déclaration, un second paiement devant intervenir avant le 7e mois et un troisième paiement à effectuer avant le 13e mois.

Le délai maximal d'un an est porté à trois ans – et, dans ce cas, le nombre de versements est porté à sept au maximum – à condition que l'actif perçu par l'héritier comprenne, à concurrence de 50 % au moins, des biens non liquides. Sont ainsi concernés : les brevets d'invention, les clientèles, les créances non exigibles au décès, les droits d'auteur, les fonds de commerce, les immeubles, les matériels agricoles, bestiaux et récoltes, les offices ministériels, les parts sociales de sociétés dont le capital n'est pas divisé en actions, les valeurs mobilières non cotées en Bourse et les objets d'art, d'antiquité ou de collection.

Paiement différé possible pour certaines successions

Le paiement différé peut être demandé dans trois situations expressément prévues par le Code général des impôts (article 397 de l'annexe III). Pour chacune d'elle, le paiement doit intervenir dans les six mois suivant la fin du différé.

La première de ces situations concerne les successions comportant la transmission de biens en nue-propriété, ce qui sera souvent le cas en présence d'un conjoint survivant et d'enfants communs. Le paiement différé porte sur la fraction de droits correspondant à la valeur imposable en nue-propriété. Le paiement effectif doit intervenir dans les six mois suivant la date de la réunion de l'usufruit à la nue-propriété ou de la cession totale ou partielle de cette dernière.

Le paiement différé peut aussi être demandé dans le cas où le conjoint successible a manifesté sa volonté de bénéficier des droits viagers d'habitation du logement occupé à titre de résidence principale et/ou des droits viagers d'usage du mobilier le garnissant. Dans ce cas, le paiement doit intervenir dans les six mois à compter soit du décès du conjoint successible, soit de la conversion de son droit viager en rente viagère ou en capital.

Enfin, le paiement différé peut être demandé dans le cas d'une succession donnant lieu à attribution préférentielle de certains biens, notamment une entreprise ou la résidence principale, ou à réduction de libéralités. Là, le paiement doit intervenir dans les six mois suivant le terme du délai imparti à l'attributaire, au légataire ou au donataire pour le paiement des sommes dont il est débiteur envers ses cohéritiers.

Un crédit donnant lieu à intérêts

Sauf pour quelques exceptions, le paiement fractionné ou différé des droits de succession donne lieu au paiement d'intérêts. Calé sur l'évolution du taux effectif moyen pratiqué par les établissements de crédit pour des prêts immobiliers à taux fixe consentis aux particuliers, le taux d'intérêt est fixé à 2,20 % pour les demandes formulées en 2024. Il est réduit dans certains, voir encadré ci-après sur les transmissions d'entreprises.

Le taux d'intérêt retenu est celui applicable au jour de la demande de crédit. Il est indiqué dans la lettre de notification de l'autorisation de paiement fractionné ou différé. Le taux s'appliquera pendant toute la durée du crédit, quelles qu'en soient les variations postérieures.

À noter

L'administration peut signaler au redevable que la faculté de payer par anticipation lui est laissée pour le cas où les fluctuations du coût du crédit lui deviendraient trop défavorables.

Les modalités de calcul des intérêts sont différentes selon que le paiement est fractionné ou différé. Pour le paiement fractionné, les intérêts sont, pour chaque échéance, calculés sur la totalité des droits dus au jour de cette échéance. Dans le cas d'un paiement différé, les intérêts sont calculés, lors de chaque terme annuel, selon le délai écoulé depuis le précédent et sur la totalité des droits différés.

En matière de paiement fractionné, les intérêts doivent être acquittés lors du versement de chaque fraction autre que la première. En matière de paiement différé, ils sont exigés à chaque date anniversaire de l'expiration du délai de souscription de la déclaration de succession.

Transmissions d'entreprises : régime de faveur

Peuvent bénéficier du paiement différé et fractionné les droits dus sur les transmissions d'entreprises individuelles ou de droits sociaux par décès ou même par donation. Le paiement des droits peut être différé pendant cinq ans à compter de la date d'exigibilité des droits et, à l'expiration de ce délai, fractionné pendant dix ans lorsque les mutations portent soit sur l'ensemble des biens meubles et immeubles, corporels ou incorporels affectés à l'exploitation d'une entreprise individuelle ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et exploitée par le donateur ou le défunt, soit sur les parts sociales ou les actions d'une société de même nature et non cotée en bourse, à condition que le bénéficiaire reçoive au moins 5 % du capital social.

Dans le cadre du paiement fractionné, les droits sont exigibles par parts égales à intervalle de six mois et le nombre de versements à effectuer est de 21.

Le taux d'intérêt applicable est le taux de base de droit commun, soit 2,20 % en 2024. Il est réduit des deux tiers, soit 0,70 %, lorsque la valeur de l'entreprise ou la valeur nominale des titres comprise dans la part taxable de chaque héritier, donataire ou légataire, est supérieure à 10 % de la valeur de l'entreprise ou du capital social ou lorsque, globalement, plus d'un tiers du capital social est transmis.

En théorie, chaque héritier décide individuellement de solliciter ou non un tel crédit. Cependant, la mise en place des garanties nécessitera le plus souvent l'accord des cohéritiers, de sorte qu'une bonne entente est en pratique indispensable. En effet, la garantie immobilière peut porter aussi bien sur un bien personnel que sur un immeuble faisant partie de la succession. Il conviendra donc d'anticiper afin de respecter les délais impératifs, en particulier le délai de six mois pour déposer la déclaration de succession avec le premier versement.