Succession : prévoir les conflits et les contestations d'héritage
Le décès d'une personne peut engendrer des conflits entre les héritiers ou les légataires, soit parce que la volonté du défunt est contestée ou niée, soit parce que le différend prend naissance dans les relations entre héritiers, à tout moment jusqu'au partage de la succession. Dans ce domaine, il existe autant de sujets pouvant prêter à litige que de successions. Les causes de conflits peuvent cependant être regroupées en 4 catégories : le recel, l'interprétation d'actes antérieurs au décès, l'évaluation des biens et les attributions lors du partage de la succession.
Recel successoral : définition et sanctions
Le recel est le procédé par lequel une personne tente de dissimuler volontairement l'existence d'un autre héritier ou de détourner frauduleusement à son profit un ou plusieurs biens du défunt. Le recel se caractérise par la mauvaise foi (et non la simple erreur).
Les manoeuvres utilisées dépendent de l'imagination de l'héritier :
- prise de mobilier ou d'espèces à l'insu des cohéritiers,
- utilisation frauduleuse d'une procuration sur le compte du défunt,
- dissimulation ou destruction du testament olographe du défunt estimé insuffisamment généreux,
- rédaction d'un faux testament favorable,
- dissimulation d'une donation, etc.
Remarque |
Les mêmes manoeuvres commises par un légataire, qui reçoit un bien par le biais d'un testament, ne constituent par un recel, sauf en présence d'héritiers réservataires. |
Il revient aux autres héritiers d'agir en justice pour faire constater et sanctionner le recel successoral.
L'héritier reconnu coupable :
- est considéré comme ayant accepté la succession purement et simplement ; il est en ce sens privé de la protection qu'aurait offerte la faculté de renoncer ou d'accepter la succession à concurrence de l'actif net,
- ne peut prétendre à aucune part dans les objets divertis ou recelés,
- et peut être tenu au paiement de dommages et intérêts envers ses cohéritiers.
Une sanction particulière s'applique en cas de recel par dissimulation d'héritier : les droits du receleur sont calculés sur une masse dont est déduite la part qui doit revenir à l'héritier dissimulé.
Remarque |
La fraude peut être l'oeuvre du défunt. Il en est ainsi par exemple en cas de vente fictive d'un bien au profit d'un héritier qui, loin de déclarer la libéralité lors de l'inventaire, en conteste même la réalité. |
Qualification d'actes antérieurs au décès : interprétation souveraine du juge
Des actes effectués de son vivant par le défunt peuvent être interprétés différemment après son décès. Il en est ainsi par exemple de la remise d'une somme d'argent à un futur héritier qui peut être considérée comme prêt ou don. De même, un cadeau peut être considéré comme un don devant être inclus dans la masse successorale à partager, ou pas s'il s'agit d'un présent d'usage. Déterminer la nature réelle d'un acte n'est pas toujours aisé dans certaines situations.
Les problèmes liés à l'interprétation d'un acte constituent des problèmes de fait :
- c'est à celui qui entend contester d'apporter la preuve de ses allégations,
- et il reviendra au juge de se déterminer sur la base des preuves et des arguments qui lui seront présentés.
De l'importance de l'évaluation des biens
L'évaluation des biens de la succession est importante puisque :
- d'une part, elle va servir de base au calcul des parts de chacun des héritiers,
- et, d'autre part, elle détermine les frais notariés et les droits de succession : trop élevée, cette évaluation alourdit les frais ; dans le cas inverse, les héritiers, sur le plan fiscal, risquent le redressement.
Le problème de l'évaluation des biens se pose pour ceux laissés par le défunt et ceux précédemment donnés et dont les bénéficiaires sont tenus au rapport ou à réduction. Deux hypothèses sont envisageables :
- le donateur et le bénéficiaire de la donation ont eux-mêmes prévu comment le bien donné devrait être évalué pour le rapport : dans ce cas, leur évaluation sera normalement retenue ;
- s'ils n'ont rien prévu, il faut alors se reporter aux règles d'évaluation prévues par la loi (articles 860 et 860-1 du Code civil).
L'article 860 du Code civil dispose : "Le rapport est dû sur la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation". Si le bien en question a été vendu ou donné, on tiendra compte de la valeur qu'il avait à l'époque de cette cession. En cas de vente, si le prix de cette vente a été utilisé pour acheter un autre bien, c'est la valeur de ce nouveau bien au moment du partage qui sera retenue, en tenant compte de son état lors de l'acquisition.
S'agissant des sommes d'argent, l'article 860-1 prévoit que le rapport est égal au montant de la somme donnée. Toutefois, si cette somme d'argent a servi à acquérir un bien, la valeur de ce bien doit alors être rapportée dans les mêmes conditions que celles prévues par l'article 860 évoqué précédemment.
À défaut d'accord amiable sur la valeur d'un bien, la valeur doit être fixée par un expert nommé par le tribunal.
Attributions lors du partage : de la solution amiable à l'action en justice
Partager une succession revient à répartir l'ensemble des biens qui composent cette succession entre les diverses personnes intéressées. Le partage est opéré :
- soit sur la base des dispositions laissées par le défunt qui stipulent le bien expressément désigné ou la fraction revenant à chacun des héritiers,
- soit par les héritiers eux-mêmes qui déterminent ainsi les biens qui figureront dans chacune des fractions de succession.
Le partage de la succession n'est pas obligatoire. Les successeurs peuvent ainsi demeurer dans l'indivision aussi longtemps qu'ils le souhaitent et peuvent même l'aménager dans le cadre d'une convention. Mais chacun d'entre eux dispose d'un droit qui leur permet de demander le partage (action en partage).
Par principe, la loi laisse aux intéressés le soin de se mettre d'accord pour se répartir les biens de la succession, on parle alors de partage amiable. À défaut, le partage peut être fait en justice. Le partage judiciaire aboutit le plus souvent à la constitution de lots suivie d'une attribution par tirage au sort. La vente des biens peut également être décidée.
Attribution préférentielle
Lors du partage, plusieurs héritiers peuvent demander à recevoir le même bien. Inversement, chacun d'eux peut ne pas vouloir tel bien déterminé. Pour prévenir ce type de difficulté, la loi prévoit des cas d'attribution préférentielle. Cette possibilité n'existe que pour certains biens, essentiellement les entreprises et le logement.
À défaut d'accord entre les héritiers, la demande d'attribution préférentielle est portée devant le tribunal de grande instance. Le juge se prononce en fonction des intérêts en présence, sachant que le conjoint survivant a priorité sur les autres héritiers.
Remarque |
Les légataires, qui reçoivent les biens en vertu du testament du défunt, ne sont pas solidairement tenus au paiement des droits de succession, ni entre eux ni avec les héritiers. Chaque légataire n'est tenu qu'au paiement des droits afférents à son propre legs. |
On le voit, les conflits peuvent surgir à différents stades du règlement d'une succession. Dès lors, il importe que les héritiers trouvent un accord au plus vite, d'une part, parce que toutes les actions en justice sont lourdes en termes de formalisme et souvent très longues et, d'autre part, parce qu'il ne faut pas perdre de vue que le délai pour déposer la déclaration de succession est de 6 mois à compter du décès (sauf cas de dispense prévus par la loi). L'administration fiscale est en droit de demander à un seul des héritiers solidaires de s'acquitter des droits de succession incombant à l'ensemble des cohéritiers. Certes, il peut demander aux autres héritiers de lui reverser leurs droits respectifs, mais cela peut prendre un certain temps si le conflit persiste.
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